Cadavre de Pâques (proposé le 4 avril 2015 par moi) : sapin, croche, boeuf, coussin, boule, boisson, faux koala, anneau

C'est qu'il était tanké comme un boeuf, le Henry. Un vrai tas de barbaque sur pattes. Avec des biceps comme des cuisses et des poings aussi gros que des boules de billard. Mais doux comme un agneau. Pas le genre à faire du mal à une mouche.Le bon gars, toujours prêt à rendre service, à dépanner les autres, toujours une parole aimable à la bouche. En deux mots, un ange. Un ange taillé comme un colosse, mais un ange quand même.

Sauf quand il avait un coup dans le nez.

A chaque fois qu'il avait un peu trop bu, c'était le drame. Et là, il avait clairement dépassé la dose. Et il commençait à devenir vraiment dangereux. Comme à chaque fois, Ray, le barman avait bien essayé de le mettre en garde concernant la boisson. Mais comme à chaque fois, son sourire angélique, ses grands yeux bleus et ses vibrantes promesses avaient eu raison de la méfiance du taulier.

Et c'était reparti... Henry avait déjà mis 2 gars au tapis, et un 3e s'avançait en lui mettant des croches et des doubles croches dans le buffet et dans la gueule, mais rien n'y faisait. On aurait dit qu'il était fait de pierre ou de métal. En revanche quand la brute éméchée arma son poing et lui colla en plein dans le menton, tout le monde frissona en entendant le vilain craquement et le type s'écroula comme un paquet de linge sale. Ca sentait le sapin pour sa mâchoire...
Bon fallait que ça cesse, j'en avais ma claque, je voulais rentrer chez moi et je ne voulais pas donner l'air de me débiner non plus. Les réputations sont vite faites dans notre petit bled.
Je regardais tout autour de moi à la recherche d'un truc suffisamment solide pour l'assomer un peu. Un tableau ? Non, il ne le sentirait même pas. Une chope ou une boutanche ? Même chanson... Une chaise ? C'est mieux ! Ca me paraissait la meilleure solution lorsque je tombai sur ce qu'il me fallait : le faux koala en bois massif que Ray disait avoir ramené d'Australie. Parait-il qu'il était marin avant de reprendre le bar. Mouais, pourquoi pas... L'aurait pu aussi bien le ramener d'une brocante du coin comme ses autres "trésors" : l'anneau en jade qu'il affirmait avoir acheté dans un marché en Chine ou les coussins brodés d'or venant soit-disant d'un palais d'un sultan. Ou d'un vizir, j'sais plus.

Enfin on s'en fout, y a plus urgent.

Pendant que Ray et les 2 autres gars encore debout tentent désespèrément de raisonner Henry, je décroche du mur la réplique du bouffeur d'eucalyptus, je m'en saisis solidement de mes deux paluches et je m'approche discrètement dans son dos. Si ces 2 crétins n'avaient pas fait des yeux comme des ronds de flanc, j'aurais pu avoir une chance. Mais le Henry s'est retourné et j'ai vu dans ses yeux bleus que j'allais souffrir. Il m'a arraché la stupide sculpture des mains et l'arrière de sa tête a volé en éclats rouges. La détonation nous a tous abasourdi et le grand gaillard s'est écroulé. Ray est sorti de derrière le comptoir, la carabine encore fumante à la main. 

Ne croyant toujours pas mes yeux, je balbutiais un "Merci, Ray". Il s'était penché sur le corps d'Henry et cherchait son pouls. Secouant la tête de part et d'autre, il lâcha "De rien, Louis.". Il ramassa le faux marsupial et le remis bien à sa place.

"C'te koala en bois, c't'une pièce unique !"