• 17 février 2011

     Les mots imposés : grégaire, lune , rouillée , staccato , presqu'ile, suçon , grigri, bedon et hockey.

    La lune, comme un phare maléfique, nous statufie dans la trouille qui nous sert d'instinct grégaire. Impossible de bouger de cette presqu'île d'arbres paumée au milieu de l'océan des champs autrefois cultivés, impossible avec cette satanée sulfateuse qui nous cloue sur place quand elle vous balance pas sa purée métallique dans le bedon.

    Les minutes passent trop lentement, comme anesthésiées par les staccatos impitoyables des munitions qui fusent. Le froid s'insinue petit à petit sous les casques et les nerfs commencent à partir en pelote. Certains tripotent désespérément leur grigri, patte de lapin et compagnie ; d'autres prient de tous leurs yeux et en murmurant ; quelques uns, mutiques et immobiles, se sont abîmés dans leur peur.

    C'est pas la musique des balles le plus dur à supporter... Non, c'est quand elles s'arrêtent de marteler l'intérieur de nos crânes. Chacun semble se réveiller, hébété par le silence retrouvé et se tend dans l'infime espoir, l'inconscient espoir de pouvoir s'échapper de ce trou à rats. Et puis, après quelques secondes de rêverie obsessionnelle, tous se ravisent, un air de défaite qui alourdit à chaque fois un peu plus leurs traits cernés. Alors ils retiennent leur respiration, comme avant l'engagement imminent d'un match de hockey ou de boxe, guettant la reprise des hostilités, attendant sans l'attendre que l'engin infernal se remettent à dispenser la mort en petits morceaux sonores. Puis brusquement, ça reprend, toujours la même note macabre, déclinée selon des rythmes différents. Et après un long moment, de nouveau une pause. Et de nouveau, le tryptique hébétude/espoir/défaite.

    Ce coup-ci, un gars se lève. Un pas bavard. Il sort par le col de sa chemise une clef rouillée pendue à une chaîne , l'embrasse et avance hors du rideau de verdure.Il ne va pas bien loin, juste un pas ou deux. Et retombe en arrière, un gros suçon sanglant dans le cou et comme une sorte de sourire sur le visage. Je le contemple un bref instant et sans vraiment réfléchir, j'arrache la chaîne dégoulinante et rouge, j'embrasse la vieille clef et je me lève. J'hasarde un pas, le plus dur, le premier, le premier vers l'ailleurs...

     


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